Tous les articles par Jean-François Habermacher

A la découverte des chapelles de Suisse par Claude Quartier

C’est un vrai2015 Recension_Quartier_JH_Image beau livre que celui que Claude Quartier vient tout récemment de publier aux Editions Marcel Favre. Un livre qui séduit doublement : par la qualité du texte et des illustrations d’une part et, d’autre part, par le soin éditorial, si rare aujourd’hui, de la bienfacture technique de l’ouvrage.

Claude Quartier invite à la découverte d’un florilège de plusieurs dizaines de chapelles sur l’ensemble du territoire helvétique.

Précisons d’emblée qu’il ne s’agit nullement d’un guide routier, quand bien même il peut se voir appelé à rendre service à l’occasion de promenades dominicales.

J’évoquais plus haut la bienfacture technique ; les pages du livre sont en effet cousues et résistent ainsi bien mieux à l’épreuve du temps que ces reliures thermocollées dont le 95% des ouvrages sont actuellement constitués. A cela s’ajoutent deux rabats de couverture, le recours à un très beau papier et de superbes photos en couleurs à chaque page.

Le livre de Claude Quartier ne nous promène pas au gré des routes selon des cartes routières mais il nous propose des approches d’ordre thématique. Parmi les douze thèmes que l’auteur a retenus, relevons les chapelles commémoratives, votives, mortuaires, la baroque alpin, les chapelles protestantes, les chapelles et les saints, les chapelles et la peste, les lieux de pèlerinage.

Lieux de culte souvent décentralisés, le plus souvent plus petites que les églises, édifices religieux d’appoint parfois privés, les chapelles sont souvent plus « touchantes » que les grandes églises ou les cathédrales ; par l’intimité et la simplicité qu’offrent la plupart d’entre elles, elles parlent sans doute plus directement à notre sensibilité.

Comme le relève Claude Quartier, « les chapelles sont là pour conjurer le mauvais sort, faire rempart contre l’esprit malin, rendre grâce, commémorer un haut fait, enrichir le message religieux ». Elles suscitent un facteur de sympathie.

C’est un guide thématique précieux et bien documenté que nous offre Claude Quartier ; il permet de nous ressourcer en des lieux souvent isolés où l’Esprit souffle tout autant et parfois davantage que dans les grandes cathédrales.

Jacques Herman

Chercher, croire, comprendre…

Une formation pour découvrir et interroger notre héritage religieux et spirituel

Depuis plus de 50 ans, Cèdres Formation à Lausanne propose un « Séminaire de culture théologique » (SCT). De quoi s’agit-il ? Son directeur actuel, Jean-François Habermacher, théologien réformé et formateur d’adultes diplômé, en résume le profil.

Quel est l’essentiel de ce parcours de formation ?

Il s’agit de proposer à un public de plus en plus diversifié, ouvert et exigeant, un regard décalé sur l’héritage chrétien. Le Séminaire est un espace de recherche qui permet d’approfondir les idées-force du christianisme et de découvrir autrement sa figure fondatrice, l’homme de Nazareth, considéré comme « Christ » (comme manifestation singulière et spécifique de Dieu) par les premières communautés chrétiennes.

En quoi cette formation est-elle différente ?

Entre une « formation chrétienne » qui vise peu ou prou « l’adhésion croyante » et une approche « purement académique » centrée sur l’acquisition de savoirs, il y a place pour un « adulte en formation » qui se sente reconnu dans les différentes facettes de ses besoins, attentes et projets. Le Séminaire est un lieu où toutes les questions sont permises. Il favorise un parler vrai. Il tient compte des itinéraires de vie et des « histoires intérieures » de chacun-e, dans le respect du vécu, des expériences et des différences. Il a pour but d’aider les personnes à construire leurs propres repères religieux et spirituels, de manière informée, en connaissance de cause.

Le Séminaire est donc un lieu de mémoire : s’il s’inscrit dans l’esprit du Christ, il reconnaît les forces, les faiblesses, les ambiguïtés comme la riche diversité de l’héritage judéo-chrétien qui a marqué notre culture. Dans toute formation, il importe de clarifier le lieu d’où on part et d’où on parle. Par respect des participants. Et pour favoriser aussi les débats et les échanges entre points de vue et positionnements différents.

Pourquoi participer à une telle formation ?

On participe au Séminaire pour des raisons diverses et variées. Par exemple :

  • pour aborder librement une religion qui nous intéresse, mais qu’on connaît mal ou qu’on ne connaît pas ou plus ;
  • pour s’ouvrir à la théologie et au type de réflexion qu’elle propose sur « ce qui concerne l’être humain de manière essentielle et le dépasse » ;
  • pour faire le point sur sa vie de foi ou donner de nouvelles ailes à une foi en questionnement… ou en panne !
  • ou encore, comme le disent de plus en plus de participants actuels, pour donner forme à son intériorité et aller vers une spiritualité plus mûre, plus adulte, parce que fondée sur des bases plus claires…

Le Séminaire devient ainsi un lieu de clarification des connaissances et un lieu de maturation de son itinéraire spirituel personnel.

A qui ce Séminaire est-il destiné ?

Il s’adresse à des personnes curieuses qui ne se satisfont plus des réponses classiques qui leur ont été données jusqu’ici. Au Séminaire, des personnes quittent une « foi de charbonnier » pour aller vers plus d’esprit critique ; d’autres passent d’un « rationalisme » pur et dur à la découverte que l’être humain ne vit pas que de « raison seulement » ; d’autres personnes, enfin, ont fait l’expérience de « quelque chose » de bouleversant dans leur vie et souhaitent comprendre ce qui leur est arrivé, mettre des mots sur ce qui les a touchées.

Cette formation s’adresse à des personnes chrétiennes ou non, pratiquantes ou non, en lien ou sans attaches avec une Eglise, qui désirent approfondir, en toute liberté et indépendance d’esprit, leur spiritualité, leur foi ou leur recherche de sens, sans taire leurs questions et leurs doutes. On y rencontre des personnes d’âge et d’horizons très variés qui choisissent de prendre du temps pour aborder des thèmes en lien avec le sens de la vie et le devenir de notre société.

Qu’apprend-on dans un tel Séminaire ?

Les thèmes et les différents contenus abordés sont intégrés à un programme d’études propice à la structuration de la pensée et au cheminement intérieur. Mentionnons les axes de travail suivants :

  • mieux comprendre ce qu’est la Bible, sa formation, son histoire, son interprétation
  • repérer l’évolution de la religion chrétienne à travers les siècles
  • aller au cœur de la foi chrétienne, discerner ses idées-force
  • situer le christianisme parmi les autres religions
  • faire le point sur les Eglises, leur rôle et leur mission dans le monde d’aujourd’hui
  • se familiariser avec les défis éthiques et les débats de société actuels
  • acquérir des outils et des méthodes de travail

Que retire-t-on de son passage au Séminaire ?

Bien sûr, une formation théologique… Le Diplôme offre des perspectives professionnelles. Par exemple, il est un prérequis théologique pour l’entrée en formation diaconale dispensée par l’Office Protestant de la Formation (OPF) ; il permet également, grâce à une récente reconnaissance de crédits, d’alléger le cursus du Bachelor de théologie à distance proposé par la Faculté autonome de théologie protestante de Genève ; le SCT est aussi le lieu de formation des Réformé-e-s qui, en Valais, dispensent un enseignement du fait religieux en milieu scolaire (Ethique et culture religieuse). Un projet de formation des catéchètes valaisans est en cours d’étude. Depuis 2014, l’Eglise évangélique réformée du Canton de Fribourg envoie ses catéchètes au Séminaire pour acquérir les bases théologiques nécessaires à l’accomplissement de leurs tâches (une unité préparatoire ainsi que 3 unités d’enseignement font partie du cursus de formation). Enfin, de leur propre initiative, des établissements médico-sociaux engagent parfois des animateurs spirituels, titulaires du Diplôme du SCT…

Mais le Séminaire ne se réduit pas seulement à l’acquisition de connaissances et de méthodes. C’est aussi une expérience de vie enrichie par la diversité des participants, la vie de groupe et l’amitié. Le Séminaire suscite des « espaces de dialogue et de confiance » grâce auxquels les participants peuvent s’impliquer personnellement, se mettre en question et entrer dans un chemin de croissance, de maturation et d’évolution.

Comment les choses se passent-elles concrètement ?

Le parcours du Séminaire dure deux ans. Il comporte une trentaine de colloques qui ont lieu le samedi. Le menu du Séminaire s’adapte à la faim et à la taille de l’estomac de chacun. On peut le suivre comme auditeur/auditrice et simplement participer aux journées de formation. Mais il est aussi possible de privilégier des travaux personnels (voie du Certificat) ou de se lancer dans une recherche plus poussée et approfondie (voie du Diplôme).
Dans son orientation Diplôme, le parcours implique quelque trente journées de formation et la rédaction de six travaux écrits. Il représente quelque 950 heures de formation.

La formation est dispensée par des enseignants qualifiés, tous détenteurs d’un titre universitaires (théologiens, historiens, éthiciens et formateurs). Chaque groupe bénéficie d’un-e accompagnant-e qui assure la continuité sur les deux ans de formation.

La prochaine volée démarre le samedi 13 juin 2015. Les inscriptions sont attendues jusqu’au 1er juin.

Renseignements : Jean-François Habermacher, directeur.
Cèdres Formation a provisoirement quitté les locaux de la Maison des Cèdres (berceau du SCT créé en 1962) et se trouve actuellement dans les locaux du DM-échange et mission, chemin des Cèdres 5, 1004 Lausanne, Tél. 021 646 37 41 ;
info@cedresformation.ch; www.cedresformation.ch

Lausanne, 10 mars 2015/jfh

L’humain en procès: Venez prendre position!

De nos jours, la place centrale de l’homme est fortement remise en cause. L’humain ne fait plus recette ou se trouve radicalement contesté. Une perspective anthropocentrique apparaît illusoire ou est dénoncée comme réductrice et idéaliste.

Cèdres Réflexion vous propose d’ouvrir ce dossier. Et vous invite à cinq procès, chacun focalisé sur une dimension où sont aujourd’hui en jeu des déplacements et des mutations touchant l’humain, son destin et ce à quoi il est appelé ou non.

humain en proces

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Le procès intenté ici à l’homme est à la fois externe et interne. À l’externe : une immensité du cosmos et une évolution de l’univers et de la vie qui dépassent infiniment l’humain, le précèdent, le débordent, l’excèdent. L’homme, perdu dans le temps et dans l’espace, est une infime poussière stellaire, sans finalité ni orientation. À l’interne : un cerveau qui fonctionne comme une machine, certes complexe, mais qu’on peut influencer en direct, bio-nano-techniquement. À l’interface : des mutations où l’on peut – doit ou devrait – améliorer l’homme, l’« augmenter » comme disent les « posthumanistes », à coup de prothèses et d’implants high-tech, d’ingénierie bionique. Jusqu’où et comment ?

Cinq problématiques seront mises en discussion lors de chacune des cinq rencontres. La montée des spiritualités sans Dieu d’abord, contestant une transcendance extérieure et délaissant une intrigue inscrite au cœur de l’avènement de l’humain auquel chacun serait singulièrement appelé. Une avancée des savoirs et des techniques ensuite, tendant à montrer que l’humain n’est qu’une machine, réduisant du coup ce qu’on concevait comme esprit, volonté, conscience, décision, capacité propre d’assumer son destin. Des cosmologies aussi, qui considèrent l’être humain comme le résultat d’un hasard, provisoire, non assuré, et ne lui imputent aucun sens repérable à suivre ou à habiter. Un flottement généralisé des frontières encore, y compris celles du «genre», détachant les caractéristiques différenciées qui font l’humain de tout socle naturel et validant des constructions sociales variées, changeantes et de part en part culturelles.
Une présence enfin, de plus en plus forte, d’aides et manipulations apportées à l’humain, de l’extérieur, jusqu’à envisager de le transformer de fond en comble en homme bionique, reléguant par là même ce que la tradition a pensé en termes de métamorphose et de chemins intérieurs.

Des rencontres, sous forme de procès ou joutes oratoires, afin que les enjeux soient bien explicités et défendus, contradictoirement. Et avec, chaque fois, une décision finale donnée par le « tribunal » (public), et qui oriente, qu’elle soit ou non acceptée par tous…

 

Fascination des idôles

Dans un de ses livres (De surcroît, Quadrige, PUF, 2010, chap. III) le philosophe Jean-Luc Marion nous livre une méditation stimulante sur le regard et son objet, le tableau. Regarder n’est pas voir. Voir, en effet, consiste à laisser le visible, indifférencié, illimité, assaillir nos yeux ; tandis que regarder, c’est cerner des figures, distinguer des plans, arrêter le flux continu du visible pour en encadrer des objets déterminés dans le champ du regard.

Quand le peintre réalise un tableau, il opère une capture semblable, afin de nous offrir sa vision phénoménale du réel. Or, l’étonnant, déjà souligné par Pascal, est que le tableau suscite en nous une admiration plus forte que la réalité dont il dépend, tellement il nous fascine. Le tableau capte notre attention, il nous oblige à revenir à lui sans cesse, alors même qu’il réduit et simplifie le monde. Il agit comme une idole, écrit Marion, en nous arrachant à l’attraction de la terre, à l’immensité du cosmos et en recueillant nos désirs et nos espérances. Telle l’idole, le tableau est puissant par excès de visibilité, par saturation, précisément parce qu’il concentre tout ce qui est à voir dans un profil, dans un cadre. Son efficacité : porter à notre contemplation des choses nouvelles, pour nous les redonner sans cesse ; son défaut : être une idole qui masque ce que la vie a d’invisible, le vrai visage d’autrui, en ne nous obligeant à aucune responsabilité ; le contraire de l’icône, dont le but est de nous mettre en relation avec Celui qui est hors-cadre.

Ces réflexions, peut-être un peu schématiques, attirent notre attention sur le fonctionnement de l’idole : réduction phénoménale qui nous fascine, qui fait briller les choses, qui vole notre admiration au réel, qui nous cache la présence d’autrui. D’un coup, apparaît devant nous le clinquant de notre société électronique, avec ses millions d’écrans, petits et grands, captant tous les regards, et faisant disparaître tout ce qui, de la vie et du monde, leur est inassimilable. Mais il y a aussi toutes les machines, tous les objets qui nous permettent d’exercer un pouvoir, tout en nous renvoyant le reflet de nous-mêmes dont nous sommes avides. Nous le constatons pourtant, ces idoles nous font passer régulièrement à côté de ce qui importe : les êtres qui souffrent, la nature qui souffre.

Dans la Bible, en particulier dans l’Ancien Testament, les idoles dont il est question sont religieuses : de vulgaires figures animales ou humaines, dont les prophètes se moquaient, mais qui, en tant que contrefaçons de Dieu, ont néanmoins exercé un énorme envoûtement. Nous réprouvons évidemment une telle naïveté. Mais n’était-elle pas centrée ? Alors qu’aujourd’hui, nous avons multiplié à l’infini les objets qui nous ensorcellent.

René Blanchet

À propos de «Ni dieux, ni diables» de Michel Bavaud

«Ni dieux, ni diables» est un ouvrage de quelque 130 pages, divisé en une vingtaine de chapitres dont chacun constitue une unité de lecture.2015 Image F. Bavaud

Le lecteur peut donc y naviguer à loisir, y picorer, revenir sur ses pas, aussi bien que lire ce cri du cœur d’une seule traite.

Michel Bavaud nous était déjà connu pour son «Epître au Romain» (un singulier significatif), «Dieu, ce beau mirage», ou «L’Evangile de l’athée», entre autres.

C’est le même arrière-plan que nous découvrons ici, celui d’un catholique romain devenu athée, apparemment moins en révolte contre l’Eglise que contre le fait d’avoir été dupe, naguère, de niaiseries bibliques et théologiques qui ne sauraient tenir la route selon lui, eu égard à la raison.

Une nouvelle expression du «coming out» de l’ancien croyant? Pas vraiment ; on verrait plutôt ici le développement de l’affirmation d’un homme qui, au soir de sa vie, exprime le mûrissement de la découverte de sa propre lumière qui se situe aux antipodes de ses convictions et pratiques religieuses d’antan. Il nous fait partager tout à la fois son bonheur presque jubilatoire d’affirmer une autonomie complète de la pensée et la déception, l’amertume voire l’indignation de l’homme révolté d’avoir été pris au piège de croyances que sa conscience a désormais rejetées.

Entendons-nous bien: Michel Bavaud n’abandonne pas le catholicisme au profit d’une autre expression de foi, mais en faveur d’un athéisme caractérisé. A la question relative à l’«Indicible» ou au «Tout Autre», il répond: «Alors, pourquoi mille et une religions en parlent avec conviction et y consacrent tant de commentaires?».

Et à la question de savoir si la raison n’est parfois pas trompeuse, il répond: «Peut-être, mais je n’ai que celle-là et je dois me débrouiller avec elle».

Jacques Herman


Michel Bavaud, Ni dieux, ni diables, 2015, chez l’auteur, 1733 Treyvaux

Jean Vanier: Entrer dans le mystère de Jésus

Jean Vanier est né en 1928 à Genève. Ancien officier de marine, docteur en philosophie, il est l’auteur de plusieurs livres d’inspiration chrétienne. Il s’est consacré tout particulièrement aux personnes ayant une déficience intellectuelle. On lui doit, entre autres, la fondation de la Communauté de l’Arche. Il a obtenu le prix «Pacem in Terris» en 2013, année de la publication d’«Entrer dans le mystère de Jésus».

entrer-dans-le-mystere-de-jesus-jean-vanierC’est un « beau livre», en ce sens qu’il présente conjointement trois intérêts différents. Théologique d’abord, puisqu’il s’agit d’un commentaire de l’Évangile de Jean, éthique ensuite, en ce sens que la lecture du 4e Évangile s’inscrit dans une perspective spirituelle ancrée dans la complétude et la finitude de l’homme, poétique enfin, par l’élégance naturelle de la langue et par l’aspect formel de l’énoncé.

Ce dernier point interpelle d’abord puis finit par s’imposer comme une modalité littéraire naturelle compte tenu de la spécificité de l’Évangile johannique. Il ne s’agit pas de poésie en prose, mais d’une prose disposée comme des vers libres, de la première à la dernière page.

Avec Jean Vanier, nous sommes très loin, dans cet ouvrage comme dans tous ceux qui l’ont précédé, des énoncés académiques ou du langage abscons. Tout repose ici dans une fluidité naturelle, sans excès et sans fioritures, une expression que l’on pourrait à la fois qualifier de poétique et de cristalline.

Dans ce commentaire du 4e Évangile, considéré dans l’ordre des versets, surgissent souvent de très belles perles théologiques et philosophiques qui méritent vraiment le détour et que l’on souhaiterait mémoriser une fois la dernière page lue.

Jacques Herman


Jean Vanier, Entrer dans le mystère de Jésus. Une lecture de l’Évangile de Jean, éditions Salvator, Paris, 2013, 378 pages.

Le chat

Je regardai mon chat couché sur le sofa
Il ne semblait ni heureux, ni malheureux
Il semblait juste…
… en paix

C’est étrange, on cherche si souvent à être heureux et si rarement à être… en paix

On devrait tous avoir un chat, chez soi
On a déjà le sofa

Michèlle

Le voyage magnifique

A Lucas G. et Kevin K.,
à vélo sur les routes du monde…

Comment préparez-vous vos vacances? Etes-vous de ceux qui planifient à l’avance, sortent cartes de géographie et guides, choisissent les itinéraires et contactent les gîtes où trouver un repos bienfaisant? Ce serait, ma foi, ma pente naturelle, même si nous savons tous que les aléas de la route et du voyage viennent vite chambouler d’aussi belles organisations… Chacun se débrouille comme il peut avec l’inconnu!

L’esprit nomade

Au début de l’été dernier, nous avions quelques jours de vacances sans projets, lorsque ma famille lança l’idée de partir, au hasard, vers une contrée de Suisse pour nous encore inconnue. Nous partîmes donc, sans itinéraire ni réservation, nous laissant guider par l’intuition du moment, la beauté du paysage, la couleur sombre des lacs et des montagnes, la curiosité éveillée par ce qui se donnait au regard attentif… Cette escapade, loin de l’aventure «extrême», fut l’occasion d’une découverte intérieure, la simple expérience d’un «voyage magnifique». Je sentais confusément que cette autre manière de voyager, sans programme ni horaire, dessillait l’œil intérieur, avivait une perception du monde faite davantage de disponibilité que de voracité, d’ouverture que de maîtrise, d’étonnement que d’amoncellement. C’était comme si le monde, rendu à lui-même, pouvait enfin être ce qu’il est et que dans ce «laisser être», des pans insoupçonnés de ce qu’il avait à offrir se dévoilaient… Impénétrable simplicité de ce qui est. Bouleversement des coordonnées élémentaires. Présence à neuf du monde. Présence aimante au monde. Un soir, de retour à l’hôtel, alors que je feuilletais l’Esprit nomade de Kenneth White, ma femme me dit simplement: «En somme, ces jours-ci, tu vis ce que tu lis!».

Le bonheur de marcher dans le monde

J’ai un peu mieux saisi pourquoi la marche m’apportait tant. Elle invite d’abord à penser le monde dans le plein vent des choses et rappelle à l’homme sa belle potentialité. En se promenant pour «s’aérer la tête», le marcheur sait d’expérience que lorsqu’il chemine, la pensée s’éclaire et qu’il lui est possible de prendre de court la saturation des idées et des discours. Mais sait-il, d’expérience aussi, que celui qui a le corps et l’esprit entravés par les pensées perd la paix de l’âme? La marche n’est pas qu’un bain de jouvence pour le mental. Comme le voyage, sans programme ni horaire, la marche allégée du poids des coordonnées et des systèmes de repérage initie une autre géographie de l’esprit. Elle augmente notre sensation primordiale du monde. Elle apaise la pensée sortie de ses gonds, celle qui avance par autoallumage, emballements et ratiocinations, qui ne connaît ni fatigue ni repos. En marchant vraiment avec ses talons (donc pas seulement avec ou dans sa tête), le promeneur joue avec la physique du corps. Il en abaisse le centre de gravité. C’est pourquoi la marche inaugure une autre «topologie du moi», un autre lieu, un autre espace, une autre place. Notre espace est tellement rempli de notre «moi», que tous deux en sont devenus opaques! Nos tyrannies cérébrales oublient le monde. Elles le perdent comme elles perdent le nord. Or la marche, comme le voyage, civilise l’ego. Elle l’humanise, lui fait toucher la terre et ses racines ; le relie à ce qui l’entoure, l’englobe, le tient, le maintient et l’excède, à ce qui survient quand il est vraiment nu et exposé. Se révèle alors la démesure qu’il y a à vouloir prendre toute la place, à se tenir résolument au centre de tout, en juge des êtres et des choses. L’homme de ce temps, «cet enfant gâté qui a trop longtemps occupé le devant de la scène en réclamant une attention exclusive», commencerait-il à pressentir cette salutaire délocalisation du moi? Ce qui émerge de telles déambulations est un étrange sujet, sans identité fixe, qui s’étale sur le pourtour du cercle dont il a déserté le centre… C’est l’homme de la route et du chemin, des errances et des itinérances, tenté par le vent qui pousse les nuages, exposé à la pluie et au soleil, habité par la voix silencieuse du monde et l’expérience purifiée de soi : ce n’est plus moi qui marche, c’est la marche qui s’effectue en moi. Effacement d’un sujet omnipotent, absolu fantasmé, qui joua un rôle si commode dans le développement de l’Occident.

Voyage initiatique

Marcher ainsi les pieds sur terre, arpenter les territoires bigarrés du monde, dans la disponibilité et l’ouverture, c’est entrer en résonance avec le voyage spirituel du méditant. Si marcher, c’est être en mouvement vers cette Terre promise qui nous porte et nous transporte, si pérégriner, c’est ressentir la merveilleuse réalité d’être vraiment au monde et s’approcher du site où nous pourrons trouver demeure, n’est-ce pas cela même que tous les mystiques ont cherché à décoder sous les noms vertigineux de Dieu, de l’absolu, de l’être ou du vide? Dans ce périple, chaque montée, descente ou plateau peut devenir l’occasion d’un pèlerinage vers l’Ouvert qui se tient en chacun. Voyage initiatique en somme. Voyage ex-statique, si l’on veut, qui nous fait sortir de nous-mêmes pour nous faire entrer dans le mystère insondable de l’être, la part manquante d’où nous sommes. Marcher à l’étoile, sur ces grands espaces ouverts, où chacun ne peut plus, pour soi-même, qu’avancer sans bruit. Non sans joie et gratitude.

Jean-François Habermacher

François versus Christiane

«On ne peut provoquer, on ne peut insulter le foi des autres», affirme le pape François, réagissant aux attentats de Paris.

La liberté d’expression a des limites. Le domaine de la foi relève du sacré. Affirmer «Je suis Charlie», c’est-à-dire s’inscrire dans la mouvance de la revendication du droit absolu de se moquer de l’espace sacré, de quelque religion qu’il s’agisse, relève du registre de la transgression.
La liberté d’action n’implique pas la profanation des cimetières et l’atteinte à la paix des morts, comme la liberté sexuelle n’inclut pas le droit aux pratiques pédophiles ou à la nécrophilie, comme le droit à la propriété n’autorise pas l’appropriation frauduleuse.

A propos de la liberté d’expression, le pape ajoute dans une conférence de presse :
«Il faut avoir cette liberté, mais sans offenser. Car il est vrai qu’il ne faut pas réagir violemment, mais si M. Gasbarri [responsable des voyages du Pape, à côté du Pape pendant l’interview], qui est un grand ami, dit un gros mot sur ma mère, il doit s’attendre à recevoir un coup de poing! C’est normal… On ne peut pas provoquer, on ne peut pas insulter la foi des autres, on ne peut pas se moquer de la foi!»

Un peu plus de la moitié de la population française selon un récent sondage ne partage cependant pas cette position, se rangeant derrière la déclaration à Montreuil (Seine-Saint-Denis) de la ministre de la justice, Christiane Taubira : « On peut tout dessiner, y compris un prophète parce qu’en France, pays de Voltaire et de l’irrévérence, on a le droit de se moquer de toutes les religions ».

Le respect de la foi d’autrui comme de la sienne propre présuppose évidemment que le sacré est une composante réelle et objective de la vie humaine.

Jacques Herman

STOP! Ce récit vous concerne!

Que vous croyiez ou non que Jésus est le Fils de Dieu, que vous soyez ou non convaincus qu’il est ressuscité, ce récit est pour vous!

Un homme qui aurait pu prétendre tout maîtriser et dominer ne se laisse tenter ni par l’argent et l’accumulation de biens, ni par le pouvoir ni par la satisfaction de son ego à travers l’adoration de ses fans. Il parle en revanche de bienveillance, de respect mutuel, de mise au service de nos compétences pour le bien d’autrui. Et il vit et agit selon ces valeurs. Il prend aussi le temps de se recentrer à l’écart en se reliant à une dimension qui à la fois le porte, l’enveloppe et l’habite. Mais il dérange tellement qu’il est mis au ban de la société. Il finit même par être condamné à une mort atroce et dégradante : plus question ici de soigner son ego ! C’est pourtant de cette mort que jaillit ensuite une vie encore plus ample. Ceux qui ont vu en cet homme un modèle dépassant la compréhension purement rationnelle disent eux aussi connaître une vie plus profonde, plus riche. Ils parlent d’une énergie qui les anime pour chercher à mieux vivre ensemble dans la reconnaissance, à s’entraider et à accueillir les autres tels qu’ils sont pour partager avec eux ce qu’ils ont reçu.

Interpellant, non?

Ce récit n’est-il pas une belle invitation à reconsidérer de toute urgence nos priorités et notre manière de vivre?

Anne Sandoz Dutoit